En 10 jours, ils traversent la Suisse en courant !

De Chancy(GE) à Müstair (GR) – La suisse d’Est en Ouest

Salut à tous les passionnés de course à pied et aux membres de Léman Running ! Aujourd’hui, je vous partage une aventure exceptionnelle, celle de notre ami Pierre Zürcher, une figure emblématique de notre groupe. Pierre a récemment complété un exploit hors du commun : traverser la Suisse d’ouest en est, en courant 517 kilomètres et 11’000 mètres de dénivelé en seulement 10 jours. Accompagné de Paola Coccato et de Christian Fatton, cette épopée a été marquée par des moments intenses, des paysages magnifiques et des défis à couper le souffle. Voici leur histoire, suivie de ma conversation avec Pierre.

Protagonistes et objectifs

Les 3 protagonistes de cette première édition :

➡️ Honneur aux dames 💐 :
Paola Coccato 🇮🇹
L’anecdote : Bat la meilleure performance italienne de catégorie sur 6 jours avec 625 kilomètres et termine première femme 4 jours plus tard lors des 10 jours de Policoro 🇮🇹 avec 976 kilomètres (2021).

➡️ Christian Fatton 🇨🇭
L’anecdote : Court les 100 miles (161 km) de Berlin 🇩🇪 en 18h 14m le 14.08.2021. Puis, moins d’une semaine plus tard, il court les 100 miles de France 🇫🇷 en 18h 21m. Son commentaire après les 100 miles de France : “Dommage, j’aurais bien aimé faire moins de 18 heures”.

➡️ Pierre Zürcher 🇨🇭
L’anecdote : Probablement le seul (pseudo) coureur de plus de 200 kilomètres ayant le plus grand nombre de DNF (Did Not Finish) sur cette distance mythique. Le commentaire dans son cahier d’école : “Se donne de la peine, et en a”!

Les 10 étapes et moments Clés

  1. Chancy – Etoy (60,9 km) : Début de la course sous une chaleur intense de 33 degrés, traversant les cantons de Genève et Vaud. Chaleur intense où Pierre se liquéfie dans l’asphalte brûlant, se déshydrate et arrive à grand-peine à Etoy. Paola va manger seule ce premier soir et ramène une pizza, que Pierre mange durant la nuit.
  2. Etoy – Bulle (60,51 km) : Pierre espérait passer ces deux premières étapes pour fuir la plaine et retrouver la fraîcheur des Alpes. À Vaulruz, il vomit et maudit ces deux premières étapes.
  3. Bulle – Boltigen (36,97 km) : Pierre adore sortir des sentiers battus et souhaite passer par les gorges de la Jogne, absolument magnifiques. Paola, qui ne voit que d’un œil, a moins apprécié les passages caillouteux.
  4. Boltigen – Iseltwald (56,29 km) : Météo couverte et légère pluie, avec superbes points de vue sur les lacs de Thoune et de Brienz. Christian Marti rejoint l’équipe pour les étapes suivantes.
  5. Iseltwald – Sustenpass (47,45 km) : Toute la journée sous la pluie, Pierre et Paola adorent. Ils avancent jusqu’au Sustenpass à plus de 2’200 mètres d’altitude, où l’hôtel est un havre de paix.
  6. Sustenpass – Sedrun (55,95 km) : Belle étape avec des paysages magnifiques, mais Pierre arrive à Sedrun avec une blessure inquiétante au muscle releveur droit.
  7. Sedrun – Flims (52,08 km) : Pierre ajuste son équipement pour soulager la douleur, mais compense en mettant plus d’appui sur la jambe gauche, provoquant de nouvelles douleurs.
  8. Flims – Wiesen (54,81 km) : Le releveur droit s’est dégonflé et le quadriceps gauche fait moins mal. Les deux dernières étapes semblent plus accessibles.
  9. Wiesen – Susch (46,42 km) : Étape facile avec une très belle descente finale. Arrivés à Susch, ils trouvent une épicerie pour s’approvisionner en victuailles, Pierre mange avec un chausse-pied faute de couverts.
  10. Susch – Müstair (46,77 km) : L’émotion est intense sur les derniers kilomètres. Toucher la barrière douanière la plus à l’est de la Suisse est un moment de bonheur indescriptible.

Questions-réponses avec Pierre Zürcher

1. Qu’est-ce qui t’a motivé à reprendre l’organisation de cette course extrême de 517 km à travers la Suisse ?

Pierre : Après avoir traversé la Suisse en 6 jours en 2022 du point extrême nord au point extrême sud, l’organisateur mettait sur pied Ouest-Est, mais faute de participants, il a renoncé. En effet, son infrastructure prévoyait la location d’un bus pour transporter nos bagages, ainsi qu’un ravitaillement quotidien à la moitié de l’étape. De notre côté, on avait déjà réservé le chenil pour notre chien « Ultra » pour 12 jours et on perdait le paiement si on renonçait. On a donc repris au pied levé l’organisation et effectué le parcours sans bagages (ou presque) et sans ravitaillement. Donc légers et libres !

2. Quel a été le moment le plus difficile pour toi durant ces 10 jours de course, et comment l’as-tu surmonté ?

Pierre : Le moment le plus difficile a indéniablement été la première et la deuxième étape. J’avais nettement trop chaud et j’en ai terriblement souffert. Ce qui m’a principalement aidé était de me dire « Ok, tu es cuit, mais musculairement et articulairement tu n’as absolument rien. La mécanique de base est en ordre. Remets du carburant dans le moteur, du solide et du liquide et demain tu repars en visant les montagnes salvatrices ». C’était un peu à la Mad Max, mais le matin, j’étais toujours prêt à repartir ! Je pensais aussi qu’avec tout l’entraînement effectué, plus de 100 kilomètres par semaine (2’871,3 km depuis le 01.01.2024), j’avais les ressources pour récupérer en une nuit et enchaîner sur plusieurs jours. L’expérience d’autres courses multi-jours m’a aussi aidé à dédramatiser ma situation, sur le moment, pitoyable.

3. Peux-tu nous parler de ta préparation physique et mentale avant cette course ?

Pierre : Ma préparation physique et mentale consiste à effectuer des blocs de l’ordre de 3 semaines, dont la fin est placée 2 semaines avant la course. Durant ces 3 semaines, en principe, j’effectue 140, 150 et 140 kilomètres. Puis je diminue decrescendo avant la course, ne faisant plus rien du tout 4 à 5 jours avant le départ. Mentalement, je crois que c’est l’enchaînement de plusieurs courses, soit l’expérience, qui m’aide beaucoup à comprendre ce qui se passe physiquement et mentalement dans les moments difficiles. Pour être prêt mentalement, il faut aussi que les petits détails soient organisés : quel sac je vais prendre, quels habits, boisson, nourriture, etc. On transportait notre « maison » sur notre dos, alors finalement ça a été très simple de ne prendre que l’essentiel pour ne pas être lourd non plus. Je pense qu’on n’a fait aucune erreur de stratégie et d’organisation. On a couru sans se mettre de pression inutile. Bon moi ça m’a pris les 2 premiers jours pour me déconnecter de mon quotidien professionnel. Mais Paola m’a dit la phrase qui m’est restée pour les 8 autres étapes : « On n’a que ça à faire, juste partir d’ici ce matin et arriver quand on arrivera à l’arrivée de l’étape ». Grâce à cette petite phrase, je me suis détaché de mes habitudes et je me suis senti libéré pour faire « le voyage ».

4. Quels paysages ou moments particuliers t’ont le plus marqué pendant cette traversée de la Suisse ?

Pierre : C’est difficile de décrire un moment ou un paysage particulier, tellement il y en a eu. Parfois, c’est une véritable carte postale bucolique que tu découvres devant tes yeux. Avec Paola, on disait « voilà, on est à Heidi Land », tellement c’était beau et représentatif de la Suisse en un seul tableau : lac, forêt, pâturages, fleurs, vaches, chalets, drapeaux, ciel bleu parsemé de quelques nuages blancs. Mais parfois aussi, c’est ce que tu découvres avec la fatigue et que tes besoins essentiels te font apprécier, telle cette buvette cachée où tu peux acheter un thé froid alors que tu n’as plus rien bu depuis trop longtemps !

5. As-tu des conseils pour les coureurs qui envisagent de participer à des courses de longue distance comme celle-ci ?

Pierre : Selon moi, il faut expérimenter des courses plus courtes, par exemple sur des circuits pendant 24 heures, 48 heures, 72 heures, etc. et augmenter petit à petit. Il y a une multitude de courses de ce type organisées en Europe. L’avantage c’est que tu peux avoir ton propre ravitaillement à chaque tour d’environ 1 kilomètre. Donc tu peux gérer ton alimentation, tes habits, ton repos dans des conditions idéales.

6. Comment as-tu géré ton alimentation et ton hydratation pendant ces longues étapes, surtout dans des conditions météorologiques variées ?

Pierre : Je partais chaque matin avec 2 x 0,5 litres d’eau, une barre énergétique, un chocolat, et 4 biscuits, ainsi qu’un peu d’argent. L’idée était de trouver de l’eau en chemin, puis à mi-journée une épicerie ou boulangerie pour acheter un sandwich. La Suisse est plutôt densément peuplée et ça a plutôt bien fonctionné, sauf quelques fois où il n’y avait rien, comme lorsque tu traverses le parc national suisse dans les Grisons, où c’est plutôt sauvage… et magnifique ! Finalement, c’est dépouillé de presque tout que tu te rends compte de la valeur des choses simples.

7. Y a-t-il eu des moments où tu as pensé à abandonner ? Si oui, qu’est-ce qui t’a permis de continuer ?

Pierre : Je n’ai pas vraiment pensé à abandonner. Par exemple, aux étapes 1 et 2, je m’étais mentalement programmé pour arriver à l’étape 3 et j’avais confiance en mes capacités de récupération sur une nuit. Lorsque j’ai eu le problème au releveur droit et qu’il restait 4 étapes, j’ai eu un peu plus peur. Mais le lendemain, en partant doucement et en me fixant l’idée de faire le point après 5 ou 10 kilomètres, ça m’a motivé. Et par chance, après quelques centaines de mètres, j’ai senti que je pouvais avancer, doucement, mais avancer correctement quand même.

8. Comment as-tu trouvé le soutien logistique et moral de ton équipe et de tes coéquipiers pendant la course ?

Pierre : Je dois dire qu’avec Paola, on s’est vraiment bien entendus et soutenus pendant ces 10 jours. On n’a jamais eu plus d’une centaine de mètres d’écart sur les 517 kilomètres de la course. Indéniablement, partager cette aventure ensemble nous a grandement aidés. On pouvait partager nos impressions en même temps, se parler, l’un attendant l’autre et réciproquement.

9. Quel a été l’impact de cette expérience sur ta vision de la course à pied et de l’endurance en général ?

Pierre : Je me suis rendu compte qu’un petit souci peut rapidement prendre des proportions importantes. Mais surtout, je vois désormais que l’on peut aller encore plus loin et longtemps, en ménageant sa monture. Moins tu vas vite, plus loin tu vas !

10. Quels sont tes prochains objectifs ou défis sportifs après cette incroyable aventure ?

Pierre : La prochaine course sera les 100 miles (161 km) de Berlin. Cette course commémorative consiste à effectuer le tour de l’ancien mur de Berlin-Ouest qui était jusqu’à fin 1989 un territoire démocratique dans l’ancienne Allemagne de l’Est. Mon idée est de la terminer en moins de 24 heures. Mon ressenti, et Paola partage mon impression, c’est qu’on aimerait bien relier en courant Venise à Montreux, peut-être en 2025.

11. Choisis ta question ou partage ton ressenti, une anecdote… bref, ce que tu veux

Pierre : Une anecdote ? Eh bien, lors de l’étape Wiesen – Susch, il n’y avait pas de restaurant ouvert à Susch. On a dû s’approvisionner dans la seule épicerie du coin pour notre repas du soir et le petit-déjeuner du lendemain. J’ai acheté le seul objet qui ressemblait à quelque chose qui me permettrait de manger la salade de thon et légumes du soir, ainsi que le yaourt : un chausse-pied ! Ce sont ces moments insolites qui marquent les esprits.

MERCI

Merci Pierre pour ce partage inspirant et sincère. Ton aventure à travers la Suisse est non seulement une démonstration de détermination et de résilience, mais aussi une source d’inspiration pour nous tous. Bonne chance pour tes prochains défis, nous serons là pour te soutenir et suivre tes exploits avec admiration. À bientôt sur les routes et les sentiers !

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