La douleur en course à pied 

Un coureur sur deux se blesse chaque année à travers le monde. Cette statistique peu reluisante ne s’améliore pas avec le temps, bien au contraire. Voilà comment poser des bases réjouissantes pour cet article. Mais rassurez-vous, il y a quelques points qui peuvent vous aider à y voir plus clair dans l’affaire.

L’élément crucial qui gravite autour d’un coureur blessé est généralement représenté par son incompréhension face à la situation. Enormément de pensées leur traversent l’esprit, et le petit Jiminy Cricket ne donne pas souvent les meilleurs conseils.

« C’est normal d’avoir mal, il faut que tu forces » « C’est dans ta tête » « Tu as mal, arrêtes tout et fait plus rien » « La course, ce n’est pas fait pour toi » « Je ne comprend pas pourquoi tu as mal ».

Le but de cet article n’est pas de permettre de poser des auto-diagnostics et de donner des recettes miracles. Mais de créer une prise de conscience permettant d’activer rapidement des leviers, dans l’optique qu’une blessure ne devienne pas paramètre important dans la vie .

Le cas de X 

Mais avant tout, je souhaite partager le cas de X, un cas cliché, mais qui, je vous l’assure, court les rues.

X, qui court depuis 4 mois, ressent une douleur au niveau de la face antérieure du genou gauche. Il/elle a augmenté progressivement son volume d’entraînement en suivant un plan trouvé dans un magazine. Il/elle a intégré gentiment de la vitesse et, depuis 3 semaines, a augmenté un peu brutalement son dénivelé. Car oui, il/elle s’entraîne pour boucler son premier trail courte distance (25km, 1500 D+).

Cette douleur s’aggrave progressivement au fur et à mesure qu’il/elle enchaîne, à raison de 4x/ semaines, des sorties avec des longues descentes.

Son/sa partenaire de course, Y, lui signale qu’il/elle a déjà eu ce problème et lui expose tout ce qu’il/elle a fait pour soigner le bobo. Y s’aventure même a lui dire qu’elle souffre d’un syndrome rotulien (syndrome fémoro-patellaire).

A partir de ce constat, X mène une vaste recherche sur internet pour comprendre ce que c’est et ce qu’il faut vraiment faire. Sa course est dans 2 mois, X est motivé-e à tout mettre en oeuvre pour que la douleur disparaisse! Hélas, ce qui devait arriver arriva: une foule d’information lui chamboule la tête, qui ajoute une dose de stress: glace, repos, anti-inflammatoire, physio, chirurgie, semelles orthopédiques, changement de chaussure, arrêter la course définitivement ou au contraire continuer sans forcer, forcer, ne pas écouter, etc, etc. A vrai dire, tout et son contraire.

Il/elle décide donc d’aller consulter son médecin qui confirme les trouvailles d’internet. C’est le drame, cet objectif représentait beaucoup pour X et l’idée de ne pas pouvoir y participer le/la rend mal. Le médecin lui prescrit de la physiothérapie ainsi que des anti-inflammatoires et lui suggère de stopper la course à pied 6 semaines. Ce qu’il/elle fait.

Après 6 semaines, la douleur n’est plus présente. X reprend donc la course, progressivement. Il/ elle fait l’impasse sur son trail, mais décide de se refixer un objectif 1 mois après. La reprise du dénivelé est importante et boum: la douleur revient. Les seules pensées qui traversent l’esprit de X sont l’incompréhension, la tristesse, la colère. Autant d’émotions qui ne sont pas digne d’une pratique sportive de plaisir. 

Ce cas, certes très cliché, c’est l’histoire de beaucoup de patients. Malheureusement, force est d’admettre qu’à l’heure actuelle, les prises en charge ne fonctionnent pas bien, pour beaucoup de personnes.

La plupart du temps, un manque de bon sens existe dans la façon de gérer ces problématiques. Nous avons tendance à nous perdre dans des démarches complexes pour la plupart des situations, véhiculées par des croyances infondées et renforcées par des mythes bien ancrés.

Discuter, expliquer, analyser: il s’agit de la base de la prise en charge. Faire comprendre le mécanisme de la douleur et cibler la cause de celle-ci. On retrouvera presque toujours un changement dans les habitudes du coureur: plus de vitesse, plus de volume, un changement de matériel. C’est le principe de la charge. Ce principe est à corréler avec la capacité, c’est-à-dire la capacité du coureur à supporter ladite charge. Une grande fatigue professionnelle ou familiale, un stress intense, un mauvais sommeil ou des problèmes de santé affectent cette capacité. C’est la raison pour laquelle certaines pathologies de surcharge ou de répétition apparaissent également quand aucun changement n’a été effectué au niveau des habitudes du coureur, du point de vue de l’entraînement.

Donc quand les charges surviennent de manières trop rapides et trop fortes pour les tissus du corps, ou que la capacité du coureur diminue, ceux-ci finissent par s’irriter. On parle de lésion de surcharge ou de répétition. A partir de là, il existe quelques principes fondamentaux pour permettre de guérir une pathologie. 

Concrètement que faire? 

Quand une douleur survient, il y a lieu d’écouter cette dernière et d’immédiatement chercher à comprendre pourquoi celle-ci est présente. Réduire un peu sa charge jusqu’à ce que la problématique passe puis reprendre progressivement jusqu’à intensité prévue. Si cela ne fonctionne pas sur le très court terme, consulter un professionnel de la santé permettra de poser un diagnostic sur la pathologie en question. De ce diagnostic découlera la bonne prise en charge et adaptation pour que la douleur passe et que les structures se renforcent. Et le 80% du travail sera fait via la Quantification du Stress Mécanique .

Quantification du Stress Mécanique 

Bien souvent, une douleur apparaît quand les capacités maximales d’adaptation des tissus sont dépassées. Cette capacité maximale (ligne rouge) est plus ou moins fluctuante dans le temps, dépendante de notre état de fatigue, de stress etc. 

Dépasser régulièrement cette capacité maximale d’adaptation, affaiblit les structures et rend les tissus du corps de moins en moins tolérant aux contraintes. C’est la mésadaptation. En gros, le coureur n’écoute pas et force. 

Faire un repos strict, où les contraintes maximales seraient, par exemple, le fait d’aller faire des courses et faire une balade digestive autour de sa maison, affaiblit également les structures. C’est la désadaptation. En gros, le coureur ne fait plus rien 

Le but de la QSM est une mise en charge progressive, par une stimulation suffisante, qui aura pour but du renforcement, mais sans dépasser ce que le corps peut tolérer. Ceci dans le but de ne pas générer de l’irritation et, par conséquent, de la douleur.

« Le corps s’adapte dans la mesure où le stress appliqué n’est pas plus grand que ses capacités d’adaptation ».

Pour bien cheminer dans ce processus, il y a simplement lieu d’écouter les symptômes. Provoquer une douleur (ou de l’oedème) pendant un effort, mais également après et/ou le lendemain est signe d’un dépassement de cette ligne rouge. Il y aura donc lieu de réduire un peu sa prochaine charge pour trouver le bon dosage du moment, qui permettra de se situer juste en dessous. Augmenter très progressivement la charge au fur et à mesure permettra, dans un bon dosage, de renforcer le corps et de repousser cette limite de plus en plus haute.

Il faut savoir que dans des douleurs plus anciennes, le signal douloureux seul n’est pas un bon indicateur d’évolution. Il est souvent permis pour les blessures chroniques de pratiquer une activité avec une douleur modérée (1-2/10) à la seule condition qu’elle n’augmente pas dans les 24h qui suivent et qu’il est possible d’enchainer le même entraînement le lendemain.

Cette notion est également valable à titre préventif, dans un processus de reprise d’activité. 

Charge, répétition, amplitude 

Le fait de poser un diagnostic permettra en outre de mieux quantifier le stress mécanique par une adaptation de l’effort en course à pied, minimisant le risque d’engendrer de l’irritation et bonifiant les conseils de la QSM. Schématiquement, il existe 3 classes de pathologies: charge, répétition, amplitude.

La prise en charge d’une pathologie de charge sera axée sur la diminution de l’intensité des entraînements. Au début, il est intéressant de garder des sorties tranquilles en EF, à plat et pas longues. Ensuite, on augmentera progressivement le volume, puis à un moment donné la vitesse (et le dénivelé). Compenser la diminution de l’entraînement par une activité de transfert de charge est un paramètre important (vélo, natation). 

La prise en charge d’une pathologie de répétition sera axée sur la diminution du volume. On peut néanmoins garder de l’intensité en fractionnant les sorties (biquotidien). Fractionner aussi par de l’alternance marche-course. Un point important avec ce genre de blessure est de varier autant que possible les surfaces et les chaussures.

La prise en charge d’une pathologie d’amplitude nous amène à diminuer le dénivelé (les descentes surtout), diminuer la vitesse et garder un volume important en vallonné en EF avec une cadence élevée. Activité de transfert importante aussi! 

Et la vitesse de force d’impact dans tout ça? 

Ne nous éternisons pas sur ce sujet trop longtemps, car il peut faire à lui seul un article complet. Mais dans le cadre de la prise en charge d’une blessure, s’intéresser à la vitesse de force d’impact que fait le pied sur le sol est un élément important, dans le but de réduire le stress sur une zone lésée. Les études scientifiques sont unanimes: le grand pourvoyeur de blessures est la vitesse de force d’impact (plutôt le taux d’application de la force d’impact ou Vertical Loading Rate). Adopter un bon comportement de modération d’impact permettra de maintenir un effort tout en minimisant le stress sur certaines zones du corps. Ceci peut facilement être mis en place par un travail de foulée, avec une cadence assez élevée (scientifiquement, on parle de 180 pas par minute +/- 15). Bien souvent, le simple fait de se focaliser sur le bruit des impacts permet de se situer dans cette zone de cadence protectrice avec une vitesse de force d’impact réduite. Faire moins de bruit, c’est un changement biomécanique simple et non invasif qui provoque des résultats spectaculaires.

Vous l’aurez compris, rien n’est évident quand il y a une blessure. Prendre rapidement au sérieux les symptômes semble être une première bonne idée. Si ces derniers ne diminuent pas très rapidement par une auto-adaptation de sa pratique, consulter un professionnel de la santé qui est au courant des approches thérapeutiques prouvées représente la meilleure option pour une guérison optimale sur le court et long terme, sans se perdre dans des démarches complexes aux coûts onéreux qui ne donneront aucune garantie sur un pronostic favorable à long terme. 

Mais la finalité, c’est éviter d’en arriver là et il y a moyen d’éviter tous ces tracas: courez régulièrement, progressivement et avec motivation! 

Groupes running

L’encadrement du coach, la motivation du groupe.